Don Giovanni – Mozart

Théâtre de l’Athénée, le 19 octobre 2025

Note : 5 sur 5.

Un captivant ‘Don Giovanni’ de Mozart grâce à une équipe de jeunes chanteurs talentueux…

2 commentaires sur « Don Giovanni – Mozart »

  1. A l’Athénée, Don Giovanni ou le triomphe de la jeunesse

    Par Emmanuel Dupuy – Publié le 18 novembre 2024 à 10:14

    Sobrement et efficacement mise en scène par Jean-Yves Ruf, dirigée avec brio par Julien Chauvin, cette nouvelle production de l’Arcal offre un formidable tremplin à quelques chanteurs en début de carrière, dont certains se révèlent déjà totalement convaincants.

    Don Giovanni dans la bonbonnière de l’Athénée, bonheur sans pareil. On voudrait y entendre tous les opéras de Mozart ! Surtout dans cette configuration : orchestre sur scène, si bien qu’on ne perdra pas une miette du discours musical. Certes, afin de libérer au centre un espace de jeu pour les chanteurs, les pupitres sont un peu trop éloignés les uns des autres, ce qui n’est pas idéal pour l’unité de la pâte sonore — dans l’Ouverture en particulier. Infime bémol, tant Le Concert de la Loge affiche ce soir une forme décidément olympique, avec des attaques franches, un dessin instrumental et rythmique d’une fermeté imparable, des couleurs à foison.

    Ces bienfaits, on les doit à Julien Chauvin, qui dirige du violon sans jamais laisser retomber la tension, adoptant des tempos toujours vifs mais évitant toute nervosité excessive, négociant avec naturel les multiples changements d’humeur et d’allure qu’imposent le finale du I ou le sextuor du II. Et pendant la scène du souper, cette battue décuple la puissance, faisant trembler tous les murs. Quel dommage, dans ces conditions, de nous priver du lieto fine ! On a droit en revanche aux deux airs d’Ottavio et au « Mi tradì » d’Elvira, les versions de Prague et Vienne étant mêlées.Un Don Juan est né

    Le plateau réunit plusieurs jeunes chanteurs, à qui on ne fera pas l’injure de les comparer à des titulaires plus aguerris – quoique certains n’auraient rien à y perdre. À commencer par Timothée Varon, qui a dans le timbre la rondeur, l’ampleur, le mordant des grands séducteurs, montrant ce qu’il faut d’insolence dans l’air du champagne, de confidence dans la sérénade, d’effroi face au Commandeur ; l’incarnation pourra encore s’affiner et gagner en assurance, mais c’est certain : un Don Juan est né.

    Si la tessiture de Leporello est sans doute un peu trop grave pour lui, Adrien Fournaison brille par son aisance – dans le chant comme pour la comédie. Marianne Croux se joue avec aplomb des grands écarts d’« Or sai chi l’onore », avec justesse des pyrotechnies de « Non mi dir » ; mais le nuancier reste limité, et cette Anna a parfois tendance à crier ses aigus. Abel Zamora soupire pour elle avec beaucoup de délicatesse, d’agilité dans la vocalise – l’émission de cet Ottavio ne demandera qu’à se libérer davantage.

    Le couple de paysans souffre de déséquilibre. Car à la Zerlina poids plume, presque adolescente, de Michèle Bréant, tout en charmes mais aux graves discrets, répond l’imposant Masetto de Mathieu Gourlet, baryton sanguin et d’une grande maturité. Outre la belle basse de Nathanaël Tavernier, qui fait forte impression dans les répliques du Commandeur, triomphe surtout l’Elvira de Margaux Poguet, fier soprano avec dans la voix un érotisme charnel, un petit grain vibratile où se reflètent bien des tourments, un cantabile intarissable – jusque dans les récitatifs ornés, comme les airs, d’infinies demi-teintes.Orchestre décor

    Les chanteurs évoluant au milieu de l’orchestre, celui-ci constitue le principal décor du spectacle réglé par Jean-Yves Ruf, auquel s’ajoute, au-dessus, une passerelle dressée de cour à jardin, où l’action se déploie aussi. Les musiciens prennent parfois part au dramma giocoso, sifflant une flûte de champagne avec Don Giovanni, arborant des masques pour la fête du I. Dans ce sobre dispositif (les costumes sont eux aussi à la fois simples et élégants), tout repose sur la direction d’acteur, loyale et suffisamment mobile, mais sans véritable enjeu psychologique – aucun geste, par exemple, ne souligne l’ambiguïté des sentiments d’Anna pour son tortionnaire. Le théâtre, en somme, laisse la politesse à la musique – c’est sans doute grâce à cela qu’ils cheminent si bien ensemble.

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  2. MOZART, Don Giovanni – Paris (Athénée)

    Spectacle

    18 octobre 2025

    Superbe et captivant

    Ce mercredi 15 octobre, le théâtre de l’Athénée reprenait pour une nouvelle série de représentations, la production de Don Giovanni proposée par la compagnie lyrique de l’Arcal et réalisée par Jean-Yves Ruff, qui avait triomphé la saison dernière. Ce qui frappe au premier abord, c’est l’ingéniosité du metteur en scène pour tirer le meilleur parti du cadre restreint qui est mis à sa disposition. En l’absence de fosse, l’orchestre est placé sur le plateau et participe à l’action en symbiose avec les personnages qui évoluent parmi les musiciens. Lors du bal qui clôt le premier acte par exemple, certains instrumentistes portent des masques identiques à ceux des chanteurs. Au-dessus, une passerelle transversale à laquelle on accède par un escalier étroit permet aux protagonistes d’évoluer sur deux niveaux dans une sorte de mouvement perpétuel qui anime le plateau durant tout le spectacle. Des lampes descendant des cintres, quelques rideaux de tulle qui délimitent l’espace, viennent compléter ces décors succincts mais somme toute suffisants pour laisser libre cours à l’imagination du spectateur. Les costumes intemporels signée Claudia Jenatsch renvoient à un passé indéterminé. Donna Anna est vêtue d’une longue jupe rouge et d’un haut clair, Elvira d’une robe bleu ciel, Zerlina est comme il se doit tout en blanc, Masetto arbore une chemise blanche et un pantalon beige. Les autres hommes portent des vêtements, vestes ou manteau long, de couleurs sombres.

    La distribution est rigoureusement la même que celle de l’an passé, une équipe de jeunes chanteurs à l’enthousiasme communicatif qui ont manifestement peaufiné leur interprétation tant scénique que vocale. Doté d’un physique avenant, Timothée Varon capte d’emblée l’attention, tant par l’aisance de sa gestuelle que par son timbre chaleureux et profond. Il campe un Don Giovanni dominateur qui séduit autant qu’il impressionne. Son air « du champagne » chanté à vive allure et d’une voix claironnante, enthousiasme le public tout comme sa sérénade dont la reprise en demi-teinte témoigne d’un goût exquis. A ses côtés, Adrien Fournaison ne démérite pas. Son Leporello velléitaire et soumis ne manque pas d’atouts. Tout aussi à l’aise sur le plateau que son maître, sa voix de stentor et sa technique accomplie font mouche notamment dans son air du catalogue, magistralement chanté. Les deux autres clés de fa sont à la hauteur de leurs partenaires, Mathieu Gourlet est un Masetto robuste aux graves profonds et sonores, quant à Nathanaël Tavernier son timbre de bronze convient idéalement à son personnage de revenant. Enfin Abel Zamora (Ottavio) possède une voix claire et un souffle qui paraît inépuisable. L’élégance de son style et la subtilité de son legato font merveille dans ses deux airs, notamment « Il mio tesoro », largement ovationné par le public. Côté féminin, nous sommes également à la fête, Michèle Bréant est une exquise Zerline à la voix cristalline et à la ligne de chant subtilement nuancée. Son « Batti, batti, o bel Masetto » est un moment de grâce. La Donna Elvira de Margaux Poguet est véhémente à souhait au premier acte face à Don Giovanni. Dotée d’une voix large au timbre cuivré, ses aigus percutants ne sont pas exempts de légères stridences qui siéent à son personnage de femme trahie. Au deuxième acte elle interprète un « Mi tradi’ » bouleversant orné de vocalises parfaitement maîtrisées. Marianne Croux campe une Donna Anna aux affects contrastés, « Or sai chi l’onore » a toute l’autorité requise tandis que son « Non mi dir » empreint de douceur et de nostalgie dans sa partie lente s’achève sur un feu d’artifice de coloratures d’une belle précision. Quatre choristes de talent viennent compléter cette distribution sans faille.

    Julien Chauvin qui dirige depuis son violon adopte des tempos effrénés, entraînant son orchestre dans une sorte de course à l’abîme jusqu’à la chute finale du héros, avec seulement quelques pauses où la musique paraît suspendue comme « Dalla sua pace » ou le début de « Non mi dir ». On aura admiré au passage le souci du détail et la précision qui caractérisent cette direction ainsi que les splendides sonorités cuivrées du Concert de la Loge.   

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