Opéra Comique, le 15 décembre 2024
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Lea DESANDRE (Sapho Iphise Egle) – Antonin RONDEPIERRE (Theleme) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 04 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Emmanuelle de NEGRI (Hebe) – Ana VIEIRA LEITE (l amour le ruisseau une bergere) – Marc MAUILLON (Momus Mercure) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Emmanuelle de NEGRI (Hebe) – Ana VIEIRA LEITE (l amour le ruisseau une bergere) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Lea DESANDRE (Sapho Iphise Egle) – Cyril AUVITY (Le ruisseau Lycurgue) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Lea DESANDRE (Sapho Iphise Egle) – Cyril AUVITY (Le ruisseau Lycurgue) – Renato DOLCINI (Hymas Tirtee) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Lea DESANDRE (Sapho Iphise Egle) – Cyril AUVITY (Le ruisseau Lycurgue) – Renato DOLCINI (Hymas Tirtee) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Lea DESANDRE (Sapho Iphise Egle) – Marc MAUILLON (Momus Mercure) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Lea DESANDRE (Sapho Iphise Egle) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
LES FETES D HEBE – Compositeur : Jean-Philippe RAMEAU – Livret : Antoine Cesar GAUTIER DE MONTDORGE – Direction musicale : William CHRISTIE – Mise en scene : Robert CARSEN – Scenographie et costumes : Gideon DAVEY – Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET – Choregraphie : Nicolas PAUL – Video : Renaud RUBIANO – Avec : Lea DESANDRE (Sapho Iphise Egle) – Ana VIEIRA LEITE (l amour le ruisseau une bergere) – Marc MAUILLON (Momus Mercure) – Choeur et orchestre : Les Arts Florissants – A l Opera Comique – Le 09 12 2024 – Photo : Vincent PONTET
Les fêtes d’Hébé, un opéra de Rameau célébrant les « Talens Lyriques », sous la direction musicale de William Christie et dans la mise en scène pleine d’humour de Robert Carsen…
Les Fêtes d’Hébé à l’Opéra Comique : quand Rameau célèbre William Christie
Miracle des retrouvailles Rameau-Carsen-Christie
Nicolas d’Estienne d’Orves14/12/2024Critique
Évènement à l’Opéra Comique, Les Fêtes d’Hébé par William Christie, nous rappelle le génie de Rameau, et du maître franco-américain qui célèbre ses 80 ans.
Il y a un miracle Rameau. Miracle que son œuvre, tardive mais abondante, soit d’une telle richesse, d’une telle inventivité, d’une telle modernité sous ses carcans formalistes. Miracle que ce musicien n’ait cessé de se renouveler, creuser son art, malgré des prétextes théâtraux parfois indignes. Miracle qu’il ait su faufiler son génie entre les gouttes d’une époque qui était au divertissement et à la poésie pataude. Ainsi ces Fêtes d’Hébé, second opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau, créées en 1739, quatre ans après le triomphe des Indes Galantes. Ce sera un nouveau succès pour le compositeur d’Hippolyte et Aricie, et l’une des œuvres les plus parodiées de son temps.
On a beaucoup glosé sur l’indifférence du musicien devant les livrets qui lui étaient proposés ; celui des Fêtes d’Hébé compte parmi les plus désastreux. Aussi profonde qu’un pédiluve, l’intrigue narre les affres d’Hébé, bannie de l’Olympe, qui invite les muses à célébrer les arts qu’elles incarnent lors de trois entrées (donc trois actes) : la poésie, la musique et la danse. Après un prologue chez Jupiter, on découvre trois historiettes qui sont prétextes à des échanges futiles mais surtout à des danses, des chants, des ensembles, où Rameau fait montre de son génie. Aucune progression dramatique, aucune continuité théâtrale, mais une suite de numéros de bravoure. La seule curiosité tient en ce que ces exilés de l’Olympe prennent leurs quartiers sur les bords de Seine (clin d’œil à la rivalité entre l’austérité versaillaise et la fougue parisienne).
La vacuité du livret explique que l’œuvre soit si rarement montée. Au vrai, on aurait pu se satisfaire du superbe enregistrement que William Christie en a donné en 1997, car nous sommes face à de la musique pure. Oui mais voilà : « Bill » Christie célèbre ces jours-ci ses quatre-vingts printemps, et il entendait souffler ses bougies au son des Fêtes d’Hébé. Pour ce faire, l’Opéra-Comique a réuni l’un des duos lyriques les plus féconds de ces trente dernières années : William Christie et Robert Carsen.
On connaît l’intelligence et la finesse du metteur en scène canadien, qui est de ceux qui comprennent et respirent la musique. Face au défi des Fêtes d’Hébé, il prend le parti du rire franc, de la parodie courtoise et d’une forme de rigolade bien élevée, qui s’accorde efficacement avec l’œuvre. Le prologue jupitérien se déroule à l’Élysée : Hébée renverse du vin rouge sur la robe de Brigitte Macron et se voit bannie de l’Olympe présidentielle. La voilà donc exilée sur les rives de la Seine, en plein été, à l’heure de Paris-plage, des jeux olympiques, des matchs de foot et des guinguettes pour bobos. Si certains passages traînent vraiment en longueur (la première entrée), il y a beaucoup de drôlerie et de virtuosité dans ces jeux de scènes virevoltants. N’ayant rien à tirer de l’intrigue, Carsen s’amuse et nous amuse.
Il est pour cela épaulé par une superbe distribution, tout éclatante de joie juvénile, comme l’œuvre l’exige. Dans le rôle-titre -mais épisodique- d’Hébé, Emmanuelle de Negri est impeccable. Tout comme la soprano Ana Vieira Leite, le ténor Marc Mauillon, les barytons-basse Renato Dolcini et Lisandro Abadie. Mais le plateau est incontestablement dominé par Léa Desandre. La mezzo française, découverte par William Christie voici près de dix ans, est ici dans son jardin. Des personnages si ténus de Sappho, Iphise et Eglé elle tire des trésors de subtilité, de finesse, d’humour, ajoutant à la perfection musicale une gracilité de danseuse. Car nous sommes ici dans un opéra-ballet, et tout cela danse vraiment.
Dans la fosse, le grand chambellan William Christie couve et caresse « son » Rameau avec une passion inchangée ; à lui seul il nous fait oublier la sottise de l’intrigue et nous rappelle que Rameau -pardonnez ce « Chardonnisme »- c’est beaucoup plus que Rameau.
Les fêtes d’Hébé, Jean-Philippe Rameau, direction musicale William Christie, mise en scène Robert Carsen, Opéra Comique, jusqu’au 21 décembre.
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RAMEAU, Les Fêtes d’Hébé – Paris (Opéra Comique)
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15 décembre 2024
Rameau sur Seine
L’un des plus grands succès du vivant de son compositeur retrouve enfin la scène parisienne, et pas juste en version de concert, en extraits ou en spectacle d’étudiants. Ces Fêtes d’Hébé le méritent : pas pour son livret, non (comme souvent, pauvre Rameau), mais bien pour sa musique qui devient de plus en plus exceptionnelle à mesure que l’on approche de la dernière entrée, véritable feux d’artifice de l’art du Dijonais. Difficile de résister à ces danses dont l’énergie rivalise avec la finesse.
Vingt-sept ans après l’enregistrement de la première (et très belle) intégrale de l’œuvre, c’est toujours William Christie qui dirige. Et c’est peu dire que lui et ses Arts florissants ont musclé leur jeu : certains airs lents restent un peu trop languissants à notre goût, mais les danses ont bien plus de jarret. Remarquable notamment le travail sur les crescendo et accélérations, ou l’étagement des pupitres (les vents surexposés dans les tambourins par exemple). En ce soir de première les trompettes ont encore quelques efforts de justesse à faire, mais les cordes sont furibondes dès l’ouverture fonceuse, et Marie-Ange Petit aux percussions veille à la rigueur de la pulsation au point que le chef se contente alors d’indications d’intensité.
Pour donner un fil rouge à un livret qui ne s’en embarrassait pas, et contourner son insipide préciosité, Robert Carsen joue les entertainer avec son talent habituel. Habituel, car ceux qui ont déjà vu sur cette même scène ses Fêtes Vénitiennes ou Platée, retrouverons une direction d’acteur bien réglée, un art de la transposition indéniable, un sens du gag opportun, mais rien de bien neuf et jugeront certainement le décor et les costumes moins spectaculaires. Hébé est donc serveuse lors d’un pince-fesse à l’Elysée et, ayant malencontreusement renversé un verre de vin sur Brigitte Macron, s’enfuit dans la cour où l’Amour, entre deux selfies, lui donne un vélo qui lui permettra d’aller se divertir sur les bords de la Seine. La première Entrée verra Sapho organiser un divertissement à Paris-Plage ; la seconde Iphise épouser finalement le capitaine de l’équipe de foot, dont le match est retransmis sur un quai dominé par les boites de bouquinistes; la troisième, Eglée s’enjailler sur les sample de musette et hautbois de DJ Mercure, avant d’embarquer sur un bateau-mouche. Dommage que les chorégraphies n’aient pas été plus soignées : à l’exception du très poétique ballet des footballeurs qui joue sur la technicité de leurs mouvements autour d’un ballon imaginaire, on regrette pour les autres un thème surligné (la danse des selfies, celle des coupes de champagne), l’évitement (changements de costumes ou de décor pour celles de la première Entrée) ou le manque d’imagination (le hip-hop, source surexploitée d’inspiration depuis sa découverte par Montalvo & Hervieu pour Les Paladins). On pourra certes reprocher à cette transposition de ne pas toujours fonctionner (être promise en mariage au capitaine de l’équipe de foot victorieuse…) ou de ne pas aider à mieux comprendre les ressorts dramatiques (de toute façon très confus et artificiels), elle a le grand mérite d’être divertissante et de porter les interprètes à se dépasser.
A commencer par le Chœur de Arts Florissants qui, à son excellence vocale et scénique habituelle, ajoute un talens (sic) certains pour la danse (« L’amour règne en ces bois »). On aurait préféré un Tyrtée à la tessiture plus étendue et au style plus élégant que belliqueux (« Qui te retient, Lacédémone ? »), tandis que les Alcée et Eurilas de Lisandro Abadie manquent souvent de projection, mais pas d’à propos ni de capacité à émouvoir. Eux, comme tout le plateau exposent toutefois une diction très compréhensible qui permet de profiter de la prosodie de la langue française. La juvénilité et l’éclat du timbre d’Antonin Rondepierre font mouche dans le petit rôle de Thélème. Cyril Auvity apporte son charme intact et des aigus aussi vaillants que caressants au Ruisseau et à Lycurgue. Ana Vieira Leite est impayable en Amour, devenu influenceuse qui partage ses live sur les réseaux sociaux, au point de presque éclipser un chant pourtant splendide. Lea Desandre, entre deux pas de danse, incarne les différentes héroïnes avec chaleur, ferveur (superbe « O mort n’exerce pas ») ou légèreté. Emmanuelle de Negri confirme une fois de plus qu’elle est aussi souveraine dans le comique que dans le tragique : son Hébé manque un peu de brillant (« Accourez riante jeunesse ») mais pas de verve ni de présence (captant immédiatement l’attention, même muette). Après un Momus qui lui donne peu l’occasion d’exister, Marc Mauillon revient en Mercure époustouflant. On connaissait le diseur rayonnant (« Je fais mon bien suprême »), cette voix rocailleuse policée, l’acteur franc, on a été soufflé par son interprétation de la virevoltante ariette italienne « L’objet qui règne dans mon âme » mariant puissance de l’émission, virilité du ton, et prise de risque dans les vocalises.
Guillaume Saintagne
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Les Fêtes d’Hébé à l’Opéra-Comique – Voix sur berges – Compte-rendu
Laurent BURY
Lea DESANDRE
Marc MAUILLON
Emmanuelle de NEGRI
Ana VIEIRA LEITE
Renato DOLCINI
Cyril AUVITY
Lisandro ABADIE
Antonin RONDEPIERRE
Matthieu WALENDZIK
Les Arts Florissants
William CHRISTIE
Nicolas PAUL
Robert CARSEN
Plus d’infos sur Opéra Comique
En mars 2017, l’Opéra de Paris avait présenté Les Fêtes d’Hébé dans le cadre peu propice de l’Amphi Bastille, et en faisant collaborer les pensionnaires de son Académie avec les élèves du Royal College of Music. A part l’émergence de quelques belles personnalités vocales (dont Adriana González), la production était assez oubliable. On se réjouissait donc de voir l’œuvre revenir à l’affiche, dans l’écrin idéal de l’Opéra-Comique (qui proposera également Samson dans quelques mois, après deux saisons pendant lesquelles Paris n’a que trop négligé les œuvres de Rameau). On s’en réjouissait d’autant plus que l’œuvre serait dirigée par William Christie à la tête des Arts Florissants, auxquels on doit la première intégrale, sortie en 1997, de l’un des opéras-ballets les plus souvent donnés du vivant du compositeur – une autre, dirigée par György Vashegyi, a été publiée en 2022 sous l’égide du CMBV. On pouvait aussi réjouir de voir se reformer le tandem du chef avec un metteur en scène dont le nom reste attaché à bien des spectacles mémorables.
© Vincent Pontet
Hélas, Robert Carsen semble avoir un peu perdu le secret des réussites qui ont émaillé les années 1990-2000, et sa vision de ces Fêtes d’Hébé succombe à quelques facilités à la mode, avec transposition obligée vers notre temps (on ne peut plus faire danser que du hip-hop sur la musique de Rameau, semble-t-il). Le prologue démarre pourtant très bien, à l’Elysée, où Hébé, échanson des dieux, c’est-à-dire ici, serveuse en tablier blanc, commet un impair qui lui vaut d’être éjectée (d’où sa haine envers « toute la troupe céleste » des « immortels »). Les armes de l’Amour sont devenues les téléphones portables, mais le gag ainsi permis s’éternise un peu, même si l’on remarque l’intégration très fluide des ballets à l’animation scénique générale.
© Vincent Pontet
Et Carsen de prendre très littéralement au mot la proposition de l’Amour : « Volons sur les bords de la Seine ». Car c’est tout au bord du fleuve que se dérouleront les trois entrées honorant successivement la poésie, la musique et la danse – qui justifient le sous-titre ou les Talens lyriques, peut-être omis cette fois pour éviter toute confusion avec un ensemble concurrent … Les voies sur berges servent de décor, mais la poésie cède la place à Paris-Plage, la musique est remplacée par le sport, seule la danse restant la danse. Dans les deuxième et troisième entrées, on remarque d’ailleurs moins la mise en scène de Robert Carsen que les chorégraphies de Nicolas Paul, notamment celle qui reconstitue un match de football (le combat opposant les Spartiates aux Messéniens) ou la dance battle finale.
© Vincent Pontet
> Voir l’extrait vidéo « L’objet qui règne dans mon âme » par Marc Mauillon <
Heureusement, la musique est fort bien défendue, et William Christie, malgré le passage des années, n’a rien perdu de la vigueur avec laquelle il dirige notamment la magnifique ouverture ou les différents ballets. Les Arts Florissants communique à la partition toute la vie qu’on peut en attendre, qu’il s’agisse des instrumentistes, avec notamment ces bois fruités et ces musettes savoureuses, ou des membres du chœur, toujours aussi actifs théâtralement que vocalement.
Quant à l’équipe de solistes, elle associe valeurs sûres et nouveaux venus à suivre. Le ténor Antonin Rondepierre trouve en Thélème un rôle parfaitement à la mesure de ses moyens actuels, tandis que son aîné Cyril Auvity cumule deux personnages secondaires. Ana Vieira Leite impose en Amour la sensualité de son jeu et de son chant, tandis qu’Emmanuelle de Negri met sa vis comica et toutes ses couleurs vocales au service d’Hébé au prologue, pour revenir à chaque entrée, même si elle ne chante que dans la première.
Du côté des voix graves, Lisandro Abadie paraît plus à l’aise en Eurilas qu’en Alcée, et Renato Dolcini ne livre pas une prestation très enthousiasmante en Tyrtée, où l’on rêverait d’un aigu plus brillant pour l’air « Qui te retient, Lacédémone ? ». Reste à saluer les deux grands triomphateurs de la soirée : Momus au prologue, Marc Mauillon doit attendre la dernière entrée pour revenir, mais il fait des étincelles en Mercure biker, et vocalise avec une virtuosité ébouriffante pour « L’objet qui règne dans mon âme ». Et Léa Desandre, qui cumule les héroïnes des trois entrées, fait valoir un timbre somptueux, une expressivité hors pair et une incarnation immédiatement touchante.
Notez enfin que, parallèlement à cette production, Léa Desandre propose un très éclectique récital « L’Amour du chant » au côté de Thomas Dunford le 20 décembre (1).
Laurent Bury
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se laisse enfin vraiment contempler la grâce de la jeunesse prise dans l’ivresse de la fête, ce que précisément l’opéra cherche à exalter.
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Robert Carsen illumine Les Fêtes d’Hébé à l’Opéra Comique
Ça aurait pu être un calvaire, c’est un enchantement ! Robert Carsen revisite avec fantaisie et audace Les Fêtes d’Hébé de Jean-Philippe Rameau : jubilatoire.
Une fête chez Brigitte et Emmanuel Macron qui tourne mal, une partie de foot dansée, un DJ set sur les quais de Seine… Les fêtes d’Hébé revues par Robert Carsen ne manquent pas de fantaisie ! Le prologue s’ouvre sur une réception, durant laquelle les spectateurs découvrent le couple présidentiel de dos recevant les louanges de l’assemblée, jusqu’à ce qu’une servante maladroite renverse sur la première dame un verre de vin bien rouge. S’ensuit une chorégraphie de « pop star » entre Hébé (formidable Emmanuelle de Negri, ici pleine d’espièglerie) et deux charmants policiers… le ton est donné ! Sous la houlette de Robert Carsen, ces fêtes mythiques délicieusement truffées d’anachronisme évoquent l’esprit des films de Jacques Demy, des Demoiselles de Rochefort à Peau d’Âne. Le metteur en scène réécrit l’histoire, sans toucher au texte. Ainsi, le roi de Lacédémone se métamorphose en CRS et sa guerre en un match de l’équipe de France de football qui donne lieu à une chorégraphie de dribbles fascinante, grâce à Nicolas Paul et ses douze danseurs. Mais, les chanteurs se prêtent aussi au jeu, lors notamment d’une scène mémorable sur les bords de Seine, dans laquelle le berger Eurilas mixe dans une guinguette branchée.
Dans la salle Favart, Amour, Mercure, Tyrtée, Sappho et Alcée reprennent vie sous une apparence humaine, dans un Paris actuel de carte postale. Ils embarquent même sur un bateau-mouche, le temps d’un feu d’artifice ultra-kitch devant la Tour Eiffel. Cette scène fait mouche ! Bref, la croisière s’amuse et nous aussi. Portées par un casting hors pair et une utilisation de la vidéo pertinente, ces Fêtes d’Hébé triomphent actuellement à l’Opéra Comique !
Les Fêtes d’hébé à l’Opéra Comique jusqu’au 21 décembre 2024.
Tout le casting sur le site officiel de l’Opéra Comique : https://www.opera-comique.com/fr/spectacles/les-fetes-d-hebe
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Hébé en visite à Paris Plages : Rameau version JO à Favart
Le 16/12/2024Par Lilah Immerecht
Fuir Versailles, telle est l’envie de Jean-Philippe Rameau lorsqu’il crée Les Fêtes d’Hébé, en 1739. (Se) Rire aussi de Paris où paraît-il, on s’amuserait mieux, là où la jeunesse et l’esprit festif et libertin de la Régence règnent encore en maîtres. Alors, sans changer un mot du livret, Robert Carsen et Les Arts Florissants reprennent cette œuvre mythique et la transposent simplement, dans un Paris des temps modernes.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
L’ouverture donne immédiatement le ton : flirtant élégamment avec la satire politique, Robert Carsen ose l’irrévérence coutumière de l’époque et met en scène un Mont Olympe modernisé, avec un panneau-photo du palais de l’Elysée.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
En couple présidentiel bien familier et très reconnaissable, les “Dieux trop inconstants”, comme nommés dans le livret d’Antoine-César Gautier de Montdorge, précipitent Hébé l’employée de maison hors de leur Olympe, pour une simple maladresse.
S’ajoutent à ce tableau quelques allusions à la potentielle démission de notre président “jupitérien” avant la fin de son mandat : “Nous voyons Jupiter lui-même abandonner le rang suprême”. Niveau impertinence, Carsen n’a décidément rien à envier à Rameau.
Emmanuelle de Negri profite finalement de cette prompte destitution pour revêtir une élégante combinaison noire, et, sur les conseils d’une sublime Amour (Ana Vieira Leite), s’en retourne chercher meilleur divertissement du côté des humains, en bords de Seine.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
Commence alors un bal de jeunes cadres dynamiques aux sous-teintes d’influenceurs réseaux sociaux sur les berges de Paris Plage. Opéra ballet résolument contemporain, Robert Carsen pose l’intrigue en 2024, à l’heure des Jeux Olympiques, Coupes du Monde de football et autres monuments du folklore bobo-parisien. Les décors de Gideon Davey reprennent les codes de l’opéra classique mais pour poser quelques quais de Seine anonymes en toile de fond, sans trop de fioritures : en trois scénettes, spectacle dans le spectacle.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
D’une direction sémillante, William Christie entraîne son orchestre habitué de l’exercice, dont l’auditoire apprécie la densité sonore, et la rythmique sans faille, marquée par Marie-Ange Petit et ses percussions.
L’ensemble du chœur des Arts Florissants allie la performance scénique avec les prouesses musicales d’une diction si précise que les surtitrages en deviennent superflus.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
Le livret d’Antoine-César Gautier de Montdorge, notoirement peu directif, autorise la démarche interprétative du baroque et laisse grande place à la créativité des interprètes, danseurs comme chanteurs. Ainsi, Lea Desandre brille-t-elle en Sappho, Iphise puis Eglé, d’un chant développé et plaisant, contrastant la richesse des émotions des trois personnages charmants.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
Plus homogène, le jeu d’Ana Vieira Leite en Amour n’en est pas moins remarqué, en séductrice instagrameuse icône de la pop culture. Vocalement, elle ne semble devoir fournir aucun effort pour déployer une interprétation dynamique et dirigée d’une voix de soprano claire et placée.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
Comme elle, Emmanuelle de Negri, rayonne en Hébé charismatique et vivante, à la projection puissante et assurée. D’un soprano large et incarné, elle est le fil rouge de cette soirée, seul lien apparent entre les trois entrées.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
Difficile alors de rivaliser, pour les autres personnages, avec une telle force de proposition vocale et scénique. C’est d’ailleurs l’écueil de Thélème (Antonin Rondepierre), amoureux transi mais rejeté, et d’Alcée (Lisandro Abadie), amant de Sappho : ils sont malheureusement un peu effacés par les personnages féminins et peinent à passer au dessus de l’orchestre. Le premier paraît un peu timide, et son ténor encore léger, malgré un jeu relativement explicite, seyant ainsi au personnage. Le second aux graves lestés et au timbre plus mature manque toutefois d’harmoniques et ainsi de brillant.
Il en va de même pour Matthieu Walendzik dans le rôle du Fleuve car son baryton met du temps à s’installer. Il révèle toutefois ses accents dès lors qu’il prend confiance, résonne alors une belle voix chaude, aux coloratures aisées, preuve d’un instrument jeune et sain.
Renato Dolcini propose une voix ronde et davantage chaleureuse en Hymas qu’en Tirtée. Sa performance dramatique dans ce deuxième rôle est néanmoins remarquée : de musicien il devient footballeur professionnel, et rejoint les danseurs dans un ballet d’une technicité impressionnante, en un match chorégraphié.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
Enfin, Cyril Auvity et Marc Mauillon passent pleinement par leurs timbres perçants, presque métalliques, mais toujours seyants dans l’esprit et l’esthétique. Marc Mauillon notamment, propose une ligne aux voyelles parfois osées mais au phrasé irréprochable, à la très bonne maîtrise du souffle (indispensable pour les ornementations baroques). En bad boy à la veste en cuir et à la gouaille certaine, il impose une précision et une justesse dans ses lignes mélodiques, assortie d’une interprétation toute naturelle. Pour l’entrée bal techno-baroque (grandes battles de hip-hop au son du continuo), il devient un Mercure charmeur, et ce, toujours avec beaucoup d’humour : il s’autorise une légère entorse de prononciation, et de “Berger” devient “BG”. Figure paternelle autoritaire, Cyril Auvity s’impose en Lycurgue d’un ténor léger mais solide, aux aigus précis et rassurants.
Les Fêtes d’Hébé par Robert Carsen (© Vincent Pontet)
Ainsi, malgré quelques longueurs dans la première entrée et une pièce non dépourvue de raccourcis osés (élever le foot en combat national par exemple), Robert Carsen et Les Arts Florissants rappellent l’éminente modernité modernisable de l’œuvre de Rameau, ce que sait apprécier le public de l’Opéra Comique, toujours généreux en applaudissements.
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