Opéra Bastille, le 22 juin 2025
Fin de ma saison musicale avec un Barbier de Séville de Rossini de haute volée…
un voyage dans la musique ancienne, mais bien vivante…
Opéra Bastille, le 22 juin 2025
⭐⭐⭐⭐⭐
Note : 5 sur 5.Fin de ma saison musicale avec un Barbier de Séville de Rossini de haute volée…
Le Barbier de Séville toujours de retour à Bastille
Le 12/06/2025 Par Frédérique Epin
Depuis maintenant onze années, la mise en scène signée Damiano Michieletto du Barbier de Séville de Rossini rouvre régulièrement boutique à l’Opéra national de Paris. Cette reprise réunit Isabel Leonard, Mattia Olivieri et Levy Sekgapane pour les rôles principaux et Diego Matheuz à la baguette :
Le Barbier de Séville de Rossini a toujours autant de succès à l’Opéra Bastille pour cette nouvelle reprise de l’œuvre mise en scène par Damiano Michieletto. Il faut dire que la musique du maître italien et son rythme mené tambour battant est un véritable remède à la morosité.
Le rythme se retrouve aussi du côté de la mise en scène, et des décors signés Paolo Fantin. Dans un mouvement de rotation, les façades d’immeubles (situant l’intrigue dans un quartier populaire du Nord de la Méditerranée) dévoilent des intérieurs colorés et moult escaliers que les chanteurs n’ont de cesse d’arpenter dans un tourbillon réjouissant.
Quand ils ne gambadent pas, les interprètes ont fort à faire avec la multitude d’accessoires à leur disposition comme par exemple Rosine qui chante « Una voce poco fa » tout en préparant le café (sans oublier de mettre du sel dans la tasse de son tuteur) et en pressant vigoureusement une orange au moment des vocalises.
Le dynamisme est accentué par le fait que, souvent, plusieurs actions se déroulent conjointement, divertissant ainsi continuellement l’œil du spectateur (l’une fait sa gymnastique à un étage, l’autre étend du linge à l’étage du dessous alors que les joueurs de cartes sont attablés au rez-de-chaussée). L’humour participe également à ce pétillement et ce, avant même l’extinction des feux : un figurant en habit de gendarme arpente la scène en agitant une pancarte d’interdiction de téléphone portable et en verbalisant un membre de l’orchestre qui, visiblement, ne connaissait pas la consigne (et miracle, aucune sonnerie ne retentira !).
Mattia Olivieri se glisse sans aucune difficulté dans la peau de Figaro, le factotum de Séville. Il connaît son affaire, lui qui révélait avoir fait une quantité de métiers avant de devenir chanteur (livreur, mécanicien, facteur…). Le baryton brille par une aisance aussi bien vocale que scénique, séduisant sur le plateau et dans la salle.
Sa voix au timbre rutilant offre une projection assurée lors de sa présentation et il débite la fin de son air sans sourciller. Et le public de lui faire une ovation: « Ah, bravo Figaro! Bravo, bravissimo! »
Dans une tenue « grunge » (les costumes sont signés Silvia Aymonino), Isabel Leonard incarne une Rosine au caractère bien trempé. Sa voix accomplie et agile sur toute la tessiture se projette assurément et révèle une jeune femme puissante. Elle dispose d’une palette de couleurs nuancée pour une expressivité non dénuée d’humour : le sombre pour la plainte, ou la résistance et la clarté pour la moquerie et la joie. Son jeu s’impose dans la détermination jusqu’à pousser le Comte sur son lit pour un moment d’intimité sous la couette.
À ses côtés, le Comte de Levy Sekgapane apparaît quelque peu en retrait. Bien qu’il fut présent dans la production en 2018, le ténor semble soucieux de la mise en place et regarde expressément le chef. Sa théâtralité s’en ressent alors et son jeu dans un premier temps se révèle contenu. Il délivre sa romance avec toute la délicatesse de son registre mixte, cependant sa voix peine à joindre le niveau sonore de ses partenaires. Néanmoins, la vigueur se fait entendre dans une agilité époustouflante et des aigus assurés. Si la voix semble se déployer dans une petite place peu propice à la projection (nasalité accentuée pour l’aigu), l’acclamation finale du public confirme que sa voix a bien gagné tous les étages de Bastille.
C’est peu dire que la basse Carlo Lepore connaît parfaitement ce Bartolo : il l’incarnait à la création ce cette production en 2014, puis lors des reprises en 2020 et en 2022. Son interprétation allie le caractère bouffe et le beau chant dans un équilibre constant. S’il prend la liberté de déclamer son texte, il fait également entendre une voix grave projetée. Ses intentions, au profit d’une théâtralité réjouissante, déclenchent les rires notamment lorsqu’il imite la voix de Rosine en falsetto parfaitement assumé.
Luca Pisaroni est un habitué des lieux et des rôles de Figaro et du Comte mais dans l’opéra de Mozart. Ce soir il interprète Basilio avec une truculence théâtrale qui fait mouche. Son baryton-basse est assuré, sa diction précise et sa recette de calomnie, accomplie.
Formé à l’Académie de l’Opéra national de Paris, le baryton Andres Cascante connaît bien la maison et y pénètre, certes, « piano » (comme le chante son personnage de Fiorello), mais résolument. Il entraîne les membres du chœur (masculin) dans une scène inaugurale drolatique. Ces derniers montrent une belle énergie à imiter une fanfare tout en faisant entendre une riche pâte sonore.
La soprano Anaïs Constans incarne avec bonheur Berta et, si sa partie demeure restreinte (un seul air), sa présence sur scène s’impose totalement. Sa voix offre de riches résonances de tête traversant les rangées de ses bigoudis pour illuminer les ensembles.
Le baryton Jianhong Zhao (membre des chœurs maison) se joint à la troupe et interprète un officier quelque peu discret mais cependant sérieux.
La réussite de la soirée repose également sur les épaules et la baguette du chef Diego Matheuz. Très attentif à la synchronisation du plateau et de la fosse (rendue parfois périlleuse vu les déplacements constants des solistes), il propose des tempi raisonnables et anime le discours de dynamiques judicieuses.
Le public ravi acclame les artistes : longue vie au Barbier de Bastille !
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