Théâtre des Champs-Elysées, le 9 février 2025
SEMELE – Compositeur : Georg Friedrich HAENDEL – Direction musicale : Emmenuelle HAIM – Mise en scene : Oliver MEARS – Scenographie et costumes : Annemarie WOODS – Choregraphie : Sarah FAHIE – Lumieres : Fabiana PICCIOLI – Direction d intimite : Yarit DOR – Avec : Pretty YENDE (Semele) – Alice COOTE (Junon) – Niamh O SULLIVAN (Ino) – Orchestre et choeurs Le Concert d Astree – Le 02 02 2025 – Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET
SEMELE – Compositeur : Georg Friedrich HAENDEL – Direction musicale : Emmenuelle HAIM – Mise en scene : Oliver MEARS – Scenographie et costumes : Annemarie WOODS – Choregraphie : Sarah FAHIE – Lumieres : Fabiana PICCIOLI – Direction d intimite : Yarit DOR – Avec : Pretty YENDE (Semele) – Ben BLISS (Jupiter) – Orchestre et choeurs Le Concert d Astree – Le 02 02 2025 – Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET
SEMELE – Compositeur : Georg Friedrich HAENDEL – Direction musicale : Emmenuelle HAIM – Mise en scene : Oliver MEARS – Scenographie et costumes : Annemarie WOODS – Choregraphie : Sarah FAHIE – Lumieres : Fabiana PICCIOLI – Direction d intimite : Yarit DOR – Avec : Pretty YENDE (Semele) – Orchestre et choeurs Le Concert d Astree – Le 02 02 2025 – Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET
SEMELE – Compositeur : Georg Friedrich HAENDEL – Direction musicale : Emmenuelle HAIM – Mise en scene : Oliver MEARS – Scenographie et costumes : Annemarie WOODS – Choregraphie : Sarah FAHIE – Lumieres : Fabiana PICCIOLI – Direction d intimite : Yarit DOR – Avec : Pretty YENDE (Semele) – Orchestre et choeurs Le Concert d Astree – Le 02 02 2025 – Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET
SEMELE – Compositeur : Georg Friedrich HAENDEL – Direction musicale : Emmenuelle HAIM – Mise en scene : Oliver MEARS – Scenographie et costumes : Annemarie WOODS – Choregraphie : Sarah FAHIE – Lumieres : Fabiana PICCIOLI – Direction d intimite : Yarit DOR – Avec : Pretty YENDE (Semele) – Orchestre et choeurs Le Concert d Astree – Le 02 02 2025 – Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET
SEMELE – Compositeur : Georg Friedrich HAENDEL – Direction musicale : Emmenuelle HAIM – Mise en scene : Oliver MEARS – Scenographie et costumes : Annemarie WOODS – Choregraphie : Sarah FAHIE – Lumieres : Fabiana PICCIOLI – Direction d intimite : Yarit DOR – Avec : Pretty YENDE (Semele) – Brindley SHERRATT (Cadmus – Somnus) – Carlo VISTOLI (Athamas) – Orchestre et choeurs Le Concert d Astree – Le 02 02 2025 – Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET
SEMELE – Compositeur : Georg Friedrich HAENDEL – Direction musicale : Emmenuelle HAIM – Mise en scene : Oliver MEARS – Scenographie et costumes : Annemarie WOODS – Choregraphie : Sarah FAHIE – Lumieres : Fabiana PICCIOLI – Direction d intimite : Yarit DOR – Avec : Alice COOTE (Junon) – Niamh O SULLIVAN (Ino) – Le 28 01 2025 – Au Theatre des Champs Elysees – Photo : Vincent PONTET
Semele, cet autre chef-d’œuvre absolu du génie Haendel, qui plus est dans une distribution éblouissante (Pretty Yende, Ben Bliss,…)
Le guide d’écoute de l’opéra de Lille :
Sémélé ou la quête de l’immortalité aux Champs-Elysées
Le 07/02/2025Par Philippe Scagni
Le Théâtre des Champs-Elysées, poursuivant son exploration régulière de l’univers haendelien, propose une nouvelle production de Semele, avec Emmanuelle Haïm à la baguette, Oliver Mears à la mise en scène et Pretty Yende dans le rôle-titre.
Retrouvez notre présentation de l’œuvre sur sa page consacrée
Emmanuelle Haïm décrit ainsi dans le programme de salle en entretien avec Vincent Borel son admiration pour cet ovni musical : “La musique baroque est intemporelle parce qu’elle traite de thèmes universels : l’amour, l’ambition, la jalousie, la quête de reconnaissance. Ce sont des dilemmes humains qui résonnent encore aujourd’hui, même si les contextes ont changé. Dans Sémélé, par exemple, on retrouve cette quête d’égalité dans le couple, ce besoin d’être distinguée et acceptée. Ces questions restent d’une brûlante actualité”.
Oliver Mears, actuel Directeur du Royal Opera House – Covent Garden de Londres (où Semele fut créée), en propose alors ici une relecture devenue classique pour les metteurs en scènes de sa génération, à savoir la transposition historique. Point de Thèbes ni de Mont Cythéron donc, mais en lieu et place un Palace parisien qui oscille entre l’entre-deux-guerres par ses luminaires (la scénographie est signée Annemarie Woods) et la fin des années 50 par les costumes et les coiffures des protagonistes, tous devenus employés de maison (les femmes sont caméristes et les hommes sont grooms).
Semele par Oliver Mears (© Vincent Pontet)
Cadmus devient le concierge de l’hôtel et Jupiter une sorte d’homme d’affaires pressé, péremptoire et insensible, utilisant la suite de ce qui semble être un des Palaces de son groupe hôtelier pour s’y affairer avec ses conquêtes tandis que Junon, traitée ici en matrone colérique, est obligée de ruser pour obtenir justice dans ses droits matrimoniaux, le tout sous les lumières glacées et les contre-jours poétiques de Fabiana Piccioli.
Semele par Oliver Mears (© Vincent Pontet)
Si les enjeux humains et amoureux sont bien restitués par Oliver Mears, dont la direction d’acteurs semble parfois un peu trop appuyée et démonstrative, l’aspect mythologique et universel en est pour le coup évacué, même si quelques clins d’œil viennent redonner une bouffée d’air revigorante à une mise en scène dont le rythme diminue quelque peu au fil des scènes. La jalousie de Junon s’adresse ainsi à Iris dans une antichambre à côté des ascenseurs, et Somnus, en vieil employé de Palace, dort dans la baignoire d’une des salles de bains de l’établissement jonchée de bouteilles vides.
Semele par Oliver Mears (© Vincent Pontet)
Le Chœur du Concert d’Astrée dirigé par Richard Wilberforce confère à chacune de ses interventions une aisance scénique et une vitalité contagieuse sur le plateau, agrémentée de savoureux moments de polyphonie minutieusement interprétés, grâce à un soin méticuleux apporté à la prononciation du texte et à des phrasés dynamiques et éloquents.
L’Orchestre du Concert d’Astrée, s’il offre un son lisse et souple, avec précision dans les attaques et un éventail de couleurs savamment composées, manque, même sous la direction certes nette et nerveuse d’Emmanuelle Haïm, de certaines emphases et d’envolées, aplanissant les moments dramatiques, notamment l’ouverture, qui reste très sage. La tension et le relief orchestral ne s’installent durablement qu’au troisième acte, la mort de Sémélé trouvant dans la fosse les vrais accents tragiques requis par l’intensité de la scène.
Semele par Oliver Mears (© Vincent Pontet)
Le plateau de solistes de son côté ne démérite pas. Marianna Hovhannisyan est une Iris à la ligne souple et claire, aux aigus dardés avec perspicacité.
Carlo Vistoli campe un Athamas tout à fait crédible dans ses accès de faiblesse et de couardise, défendant ses airs difficiles avec une pugnacité et une endurance notables, proposant des da capo (reprise ornée) relevés et menés avec adresse.
Niamh O’Sullivan est une Ino à la projection franche, mais à l’intonation brouillée par un vibrato envahissant qui rend ses récitatifs confus. Elle tire cependant bien son épingle du jeu dans le quatuor initial.
Marianna Hovhannisyan & Alice Coote – Semele par Oliver Mears
Brindley Sherratt est un Cadmus qui défend avec sincérité son rôle de groom en chef, pleutre et veule voulu par le metteur en scène. Son émission solide et son soutien fiable sont ternis par une ligne de chant un peu épaisse et massive. Son Somnus en revanche emporte tous les suffrages par l’énergie hilarante et jubilatoire qu’il donne au personnage en un air anthologique.
Pretty Yende & Brindley Sherratt – Semele par Oliver Mears (© Vincent Pontet)
Alice Coote est une Junon marâtre et sournoise, revancharde et manipulatrice, déliant de son souffle copieux des phrases d’une musicalité sans faille avec des aigus perlés et incisifs et des graves généreux et cuivrés à souhait.
Alice Coote & Marianna Hovhannisyan – Semele par Oliver Mears (© Vincent Pontet)
Ben Bliss ne fait qu’une bouchée du rôle pourtant fort consistant de Jupiter, enchaînant les redoutables airs du deuxième acte avec une facilité déconcertante, emplissant l’espace du TCE de sa voix saine, pleine et majestueuse, au timbre doré et aux aigus étincelants, sans qu’aucune sensation d’effort ou de crispation ne vienne ternir sa remarquable prestation.
Enfin, Pretty Yende, star de la soirée pour ses débuts baroques, relève le défi avec panache et avec une grande maîtrise de moyens, imposant une Sémélé à la fois fragile, amoureuse, ambitieuse, narcissique et ingénue, en traversant notamment le redoutable dernier acte avec une bravoure déconcertante. La scène d’imploration finale laisse la salle le souffle suspendu tant la soprano sud-africaine y déploie tour à tour l’inventivité des phrasés, la souplesse de la ligne de chant, la beauté du médium et la grâce toujours précise et tenue des aigus, qu’ils soient larges et enivrants ou piqués et épicés.
Pretty Yende – Semele par Oliver Mears (© Vincent Pontet)
Le public salue avec une franche ovation la totalité des chanteurs, et l’équipe de mise en scène est accueillie par des huées sonores que des bravos viennent contrecarrer en une belle bataille rangée, comme les vraies premières parisiennes savent en produire…
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HAENDEL, Semele – Paris (TCE)
Spectacle
8 février 2025
La vengeance d’une blonde
À l’époque de la création de Semele, la mode britannique n’est plus aux opéras et un nouveau public attend une musique plus sérieuse et d’inspiration religieuse. À défaut d’un sujet biblique, Haendel compose pour le Théâtre de Covent Garden un ouvrage tiré des Métamorphoses d’Ovide. Ni opéra italien, ni œuvre édifiante pour le carême, l’ouvrage ne trouve pas son public et n’est joué que quatre fois (puis deux fois l’année suivante) avant de sombrer dans l’oubli. S’agit-il d’ailleurs d’un oratorio ou d’un opéra déguisé en oratorio ? Dans son ouvrage de 1760, première biographie jamais consacrée à un compositeur, John Mainwaring, qui semble avoir bien connu Haendel, écrit que « Semele est un opéra anglais, mais appelé oratorio, et exécuté en tant que tel. ». Le livret est d’ailleurs calqué sur celui d’un ouvrage lyrique homonyme de John Eccles. Contrairement à certains oratorios dont la représentation scénique pose problème, Semele se plie au contraire parfaitement à une production théâtrale, comme on a pu s’en rendre compte à de nombreuses reprises.
La production d’Oliver Mears (actuel directeur du Royal Opera, coproducteur du spectacle) transpose l’action dans une sorte de grand hôtel art déco, avec une touche d’années 50 pour le mobilier du hall (Jupiter possède toutefois une platine stéréo vinyle et ses disques évoquent plutôt l’esthétique des années 60-70). Les simples humains sont vêtus de l’uniforme de l’établissement tandis que les dieux ont des costumes plus élaborés. Jupiter est ici le propriétaire de l’hotel, qui considère le personnel comme un territoire de chasse malgré la surveillance de sa blonde épouse, Junon. Mears transpose ainsi la relation humains-déités en rapports de classe : d’un côté les employés de l’hôtel, de l’autre ses propriétaires et leurs relations familiales ou amicales. Ce parti permet de simplifier le dispositif scénique : le loft de Jupiter (qui symbolise l’Olympe) est calqué sur le hall d’entrée de l’hôtel où trône d’ailleurs une immense cheminée qu’on retrouve à l’étage supérieur. Vieux sommelier drogué, Somnus vit dans la cave au milieu d’un réjouissant amoncellement de bouteilles vides (il est probable que le public britannique notera une ressemblance avec le comique Tommy Cooper). À la transposition près, les didascalies sont plutôt bien respectées, à une adaptation notable : Sémélé est enceinte de Jupiter. C’est la raison pour laquelle il jure de lui accorder son voeu (manipulée par Junon, jalouse épouse de Jupiter qui veut se venger de la favorite du jour, Sémélé va demander à voir son amant sous sa forme divine, ce qui va causer sa mort par consumation). Sémélé accouche en se repentant de son voeu. Après sa mort (consumée dans la cheminée bien entendu), Jupiter (reprenant la tirade normalement dévolue à Apollon) vient annoncer un nouveau dieu de l’Amour, Bacchus. Une nouvelle jeune fille vient remplacer Sémélé : on devine les projets de Jupiter. Ni révolutionnaire ni strictement illustrative, l’astucieuse production de Mears est un compromis plein d’esprit qui fonctionne parfaitement. La direction théâtrale est d’un grand professionnalisme, et il est impossible d’apprécier tous les détails dans le jeu des acteurs. Il est rare de voir un spectacle aussi bien réglé dès la première.
Pretty Yende est une Sémélé quasiment idéale. Les différentes facettes du personnage sont parfaitement rendues, avec justesse et sans caricature. On est surtout ravi d’entendre enfin dans ce répertoire une voix véritablement belcantiste, capable de triller, d’exécuter des roulades précises et d’offrir des variations pyrotechniques dans les da capo (sept si naturels piqués à la fin de « Endless pleasure, endless love », ou encore quatre contre-ut piqués dans « Myself I shall adore »), même si la justesse n’est pas toujours précise. Voix baroque expérimentée, Alice Coote offre un timbre chaud et une voix opulente, mais aussi quelques ruptures de registres un peu abruptes qui lui permettent toutefois d’offrir des graves bien profonds ou des aigus aux forceps. Le mezzo britannique est également une interprète efficace dans cette mise en scène qui lui demande de forcer un peu le trait. Également très bon acteur, Brindley Sherratt est excellent en Somnus dont il a le grave profond. Le chant est en revanche un peu trop épais pour le rôle de Cadmus, et il n’a pas l’aigu requis pour le Grand Prêtre, ce qui démontre que les chanteurs ne sont pas non plus des couteaux suisses. Carlo Vistoli est un Athamas proche de l’idéal, avec une voix correctement projetée, un timbre chaud, de belles variations dans les da capo et offre une technique belcantiste irréprochable. Le rôle étant sur le papier assez nul dramatiquement, Mears change le sens de son air final : « Despair no more shall wound me » qui devrait sonner comme un hymne à Apollon (remplacé ici par Jupiter) mais qui est transformé ici en une tirade sarcastique, les paroles étant à prendre en antiphrase. Ceci donne enfin une occasion au contre-ténor italien de jouer en exprimant le bonheur sur le registre vocal, et la colère sur le registre visuel. Niamh O’Sullivan est une Ino charmante et bien chantante, au timbre chaud, à laquelle il manque encore un peu de puissance de protection (la jeune chanteuse n’a que trente ans). En Iris, Marianna Hovanisyan est également une intéressante découverte. La voix du soprano est fruitée et bien projetée, et la chanteuse varie justement les couleurs et les effets de souffle, et offre une belle aisance dans l’aigu. Ben Bliss est un Jupiter quasiment parfait. Le timbre, un peu engorgé, n’est pas particulièrement remarquable, mais le chant est impeccable. La voix est homogène sur toute la tessiture, ne donnant aucun signe d’effort. La technique belcantiste n’est jamais prise en défaut et la projection est suffisamment puissante. Enfin, le personnage est dessiné avec finesse.
Particulièrement sollicité dans cet ouvrage, le chœur du Concert d’Astrée est remarquable d’homogénéité, pétillant, et jouant à la perfection. L’orchestre est également superbe, avec un beau tapis sonore et une impeccable virtuosité. La direction musicale d’Emmanuelle Haïm manque un peu de contrastes : on aimerait davantage de pétulance dans les airs virtuoses, davantage d’alanguissement dans les scènes plus douces ou plus tristes, mais la chef reste sur une sorte d’entre-deux certes élégant, mais parfois un peu fade dramatiquement. Au positif, la direction est attentive aux chanteurs tout en offrant de belles sonorités orchestrales.
Jean Michel Pennetier
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« Semele » au Théâtre des Champs-Élysées : une vision virtuose et rafraichissante de l’œuvre anglaise de Haendel
par Helene Adam
07.02.2025
Quelques semaines après avoir donné Alcina en version concert, le théâtre des Champs-Élysées propose Semele avec une mise en scène fluide et lisible d’Olivier Mears. Le Concert d’Astrée sous la direction d’Emmanuelle Haïm, et un ensemble de solistes très brillants – dont Prettty Yende dans le rôle-titre – ont donné une magnifique version de cette sombre histoire de jalousie, d’envie et… d’amour !Des dieux et des mortelles
Semele n’eut pas le succès escompté lors de sa création en 1744 à Londres dans le cadre d’une série de concerts donnés par Haendel durant la période du carême. Pour avoir voulu faire passer l’œuvre pour un oratorio, mais sans respecter le sacro-saint sujet biblique, et en se dégageant résolument de sa période « opéra seria » à l’italienne, Haendel s’est heurté à une incompréhension du public. Œuvre hybride, Semele s’apparente davantage à l’opéra qu’à la forme oratorio.
L’œuvre appartient d’ailleurs à juste titre au catalogue des opéras anglais de Haendel, sur un livret en anglais de Newburgh Hamilton d’après William Congreve, et se situe juste avant Hercules (1745) que nous avons vu récemment à l’opéra de Francfort, tiré également de la mythologie grecque « romanisée » (Zeus se nomme Jupiter) et inspiré des réflexions sociales d’Ovide.
La jeune et belle Semele périra en effet pour avoir voulu fort imprudemment, s’élever au-dessus de sa condition « sociale » (de mortelle dans le mythe), désireuse de voir frontalement son amant Jupiter, le dieu de la foudre et du tonnerre, sans son masque humain. Poursuivie par la jalousie de Junon, la « légitime », elle refuse de demeurer la « favorite » et veut accéder au pouvoir suprême ; elle tombera dans les pièges tendus par la déesse.
Mais comme rien ne se perd (tout se transforme), le mythe prévoit qu’in extremis, le fils qu’elle a eu avec Jupiter, Dyonisos, est arraché de son sein et confié à la « cuisse de Jupiter » d’où il naitra finalement, ce qu’annonce solennellement Apollon, tandis qu’un phénix s’élèvera depuis les cendres de Semele.
La richesse instrumentale de la sinfonia (ouverture), des interludes comme des accompagnements subtils des arias, la complexité de l’intrigue, la virtuosité des airs solos et duos et la place des chœurs comme représentant la foule sont autant d’éléments qui favorisent le choix de présenter l’œuvre avec une mise en scène.La mise en scène lisible d’Olivier Mears
Et bien que copieusement et injustement hué aux saluts par une partie du parterre, le travail effectué par Olivier Mears et son équipe, tout en adaptant le récit à une période que l’on peut situer dans les années 60-70, dans une sorte de palace, suit scrupuleusement le fil dramatique, sans oublier les aspects ironiques ou satiriques, peu nombreux chez Haendel, mais néanmoins présent notamment avec la scène très amusante, et traitée comme telle, des tentatives de réveil du roi du Sommeil, Somnus, couché dans une baignoire autour d’un amoncellement de bouteilles vides. Les protagonistes sont les clients et le personnel du palace dont les costumes ne sont pas sans évoquer ce qui se fait traditionnellement dans la comédie musicale et la référence à la mythologie demeure par le truchement du texte créant un effet plaisant de second degré bien maitrisé.
Le décor est simple et fonctionnel, avec ce poêle central dont le foyer est protégé d’une grille reproduite en grand format sur le rideau de scène qui se baisse, tandis que les solistes continuent de chanter, pendant les changements de décor. Une disposition qui évite astucieusement toute rupture de rythme et qui donne un véritable rythme à l’action.
Olivier Mears a soigné l’ensemble de la scénographie qui offre une très belle direction d’acteurs aux chanteurs et aux chœurs et fait sens pour « suivre » une histoire tragique durant deux heures trente sans le moindre sentiment d’ennui. Cela facilite également les reprises (ou da capo) des arias solistes qui sont tout à la fois le « sel » musical de l’ère baroque et le moment où les chanteurs peuvent tester leur virtuosité vocale tout en jouant leur rôle. Un tour de force parfaitement réussi hier soir.Emmanuelle Haïm, Haendel au bout de la baguette
Emmanuelle Haïm à la tête de sa formation instrumentale dominée par les cordes et choriste « Le Concert d’Astrée » donne élan et beauté, sans emphase excessive, à l’ensemble, conduisant avec beaucoup d’à-propos instrumentistes brillants, chœurs magnifiques et précis et solistes d’exception, donnant une jeunesse bienvenue au talent d’Haendel dans l’opéra. Les dialogues entre instrumentistes et solistes sont particulièrement soignés et sonnent juste, l’ensemble est conduit sans précipitation, mais avec un rythme soutenu qui ménage toutes les respirations nécessaires.
Elle confirme qu’elle est, à l’heure actuelle, l’une des meilleures interprètes de Haendel qu’elle connait particulièrement bien pour avoir dirigé nombre de ses œuvres avec un respect scrupuleux des conditions de création d’époque.
Les nombreux figurants comédiens dont les enfants de la Maitrise des Hauts-de-Seine apportent une touche théâtrale qui renforce notre adhésion à l’œuvre et à ses péripéties, sur un plateau très bien réglé.Distribution brillante
La distribution brille autant par la qualité vocale des protagonistes que par leur talent scénique et leur incarnation crédible des personnages de la mythologie modernisés.
Dans le rôle-titre, et après sa Cléopâtre dans le Giulo Cesare de Haendel récemment à Francfort, Pretty Yende confirme ses nouveaux choix de carrière avec cette Semele dont elle maitrise l’ensemble des vocalises, trilles et autres ornementations des airs et des reprises, tout en donnant force et caractère à ses récitatifs. On ne peut que se réjouir d’une telle orientation, tant sa forte personnalité trouve un rôle à sa mesure, d’autant plus que l’anglais du livret lui convient particulièrement bien et son « With fond desiring, with bliss expiring » est brûlant de sensualité.
Ben Bliss, en Jupiter, démontre également avec brio son adéquation au style du bel canto baroque anglais et sa maitrise des vocalises. Si son timbre parait parfois un peu nasal dans le medium, ses aigus sont lumineux et l’intensité de son chant dans le « Come to my arms » est déchirante de vérité et très émouvant.
La mezzo-soprano britannique Alice Coote est elle, une habituée de Haendel, et notamment de son répertoire anglais auquel elle avait d’ailleurs consacré un enregistrement de référence en 2014. Elle campe une Junon, virago en colère, étouffée par la jalousie, extrêmement efficace au demeurant, et son magistral « Awake Saturnia, from thy lethargy » avec force de vocalises et des aigus triomphants, arrache à la salle sa première véritable ovation. Ses tentatives, ensuite, pour réveiller Somnus, confirment ses qualités d’actrice comique.
La basse Brindley Sheratt se trouve un peu en difficulté lors de son air d’entrée « Daughter obey « en Cadmus, mais se rattrape très rapidement montrant lui aussi une vis comica bienvenue dans l’intermède où il incarne Somnus et son « Leave me loathsome light » dans son duo avec Junon.
Le contre-ténor Carlo Vistoli est presque un luxe dans le petit rôle d’Athamas dont il se tire avec son brio habituel et son grand sens de la scène et nous offre un époustouflant air final avec « Despair no more will wound me ».
Et nous avons découvert avec un grand intérêt l’Irlandaise Niamh O’Sullivan en Ino, la sœur de Semele – amoureuse d’Athamas que Cadmus veut marier à Semele pour l’éloigner de Jupiter – qui campe une jeune fille très délurée, très à l’aise sur scène, avec une belle voix de mezzo, brillant notamment dans son récit de voyage à Semele « O’er many states and peopled towns we pass’d ». Une artiste à suivre !
Quant à la jeune Marianna Hovanisyan, issue du programme d’artistes Jette Parker de Covent Garden, elle se tire fort bien du petit rôle d’Iris.
Une soirée sous le signe de la qualité musicale et scénique, une œuvre à découvrir ou redécouvrir !
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